L'accès à internet consacré par le Conseil Constitutionnel

Publié le par gafreddy

 

Le Conseil Constitutionnel fait de l'accès à internet un mode privilégié d'exercice de la liberté d'expression, de communication et de participation à la vie démocratique :



Plus qu'une simple décision de non conformité à la Constitution, le Conseil Constitutionnel a, par sa décision du 10 juin 2009, rendue une décision ayant valeur de jurisprudence et qui fera date dans le cadre des libertés publiques.


En effet, le Conseil Constitutionnel fait de la liberté d'expression et de communication un droit supérieur aux autres droits et libertés en ce compris le droit d'auteur (1) et censure le principe de sanction pour le seul titulaire de l'abonnement au nom du principe de la présomption d'innocence (2)



  1. La liberté d'expression et de communication comme droit supérieur aux autres droits et libertés fondamentales :


La Ministre de la Culture et le Parlement ont toujours exprimé le fait que l'accès à internet n'était pas un droit fondamental et que la privation ou la suspension de cet accès n'était pas une sanction susceptible d'être de la compétence exclusive du juge judiciaire. Il était même ajouté que quand bien même l'accès à internet pourrait être considéré comme un droit fondamental, celui-ci était de moindre importance que le droit d'auteur et permettait donc la suspension de cet accès par une simple décision administrative.


Le Conseil Constitutionnel conteste totalement ce raisonnement et abouti au résultat inverse de celui développé par le gouvernement et le Parlement.


Pour le Conseil Constitutionnel l'accès à internet relève du droit à la communication des pensées et des opinions tel que prévu par l'article 11 de la de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Qu'il est même un mode privilégié de libre expression des idées et des opinions et de participation à la vie démocratique et doit donc être protégé comme tel, c'est-à-dire comme un droit fondamental pour tout homme ou femme vivant en France.


Mais, le Conseil Constitutionnel va plus loin puisqu'il place le droit à la libre d'expression et de communication au-dessus des autres droits et libertés fondamentales au motif que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Qu'en conséquence la protection des droits d'auteur et des droits voisins ne justifie pas la possibilité de restreindre ou suspendre l'accès à internet d'une personne par une simple décision administrative.


Autrement dit restreindre l'accès à internet c'est porter atteinte au droit de s'exprimer et de communiquer librement et que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi.


Le Conseil Constitutionnel fait donc de la possibilité de suspendre l'accès à internet une sanction pénale dans la mesure où elle constitue une atteinte importante à la liberté d'expression et de communication . Outre la nécessité que cette sanction soit donc prévue par un texte de loi et ne puisse être prononcée que par un juge judiciaire, encore faut-il que celle-ci soit proportionnée à l'infraction qu'elle est censé sanctionnée.


La question est donc de savoir si le téléchargement occasionnel et à des fins privés est susceptible d'être sanctionné par une suspension de l'accès à internet. Rien n'est moins sur dans la mesure où le Conseil Constitutionnel estime que la raison d'être de la Haute Autorité a pour but de limiter le nombre d'infractions dont l'autorité judiciaire sera saisie et donc de limiter les comportements susceptibles d'être sanctionnés judiciairement par une suspension d'accès à internet.


La gravité de la sanction que constitue la suspension d'accès à internet est telle qu'il interdit de sanctionner le titulaire du contrat d'abonnement d'accès à internet sur le simple constat de la réalisation d'un acte de contrefaçon à partir de l'adresse internet de l'abonné.



  1. La censure du principe de sanction pour le seul titulaire de l'abonnement au nom du principe de la présomption d'innocence :


Conséquence directe de la qualification de sanction de la suspension d'accès à internet, le Conseil Constitutionnel invalide le principe de condamnation du titulaire de l'abonnement sur la base du simple constat de la réalisation d'un téléchargement à partir de l'adresse internet de l'abonné. C'est le point primordial de la décision dans la mesure où il confère à l'adresse internet de l'abonné et donc à l'adresse IP la qualification de présomption simple insuffisante pour sanctionner à elle seule un comportement présumé fautif.


Autrement dit, pour pouvoir sanctionner une personne pour téléchargement illégal il convient à l'autorité de prouver que c'est cette personne et elle seule qui a commis ou pu commettre un téléchargement illégal par le biais de son abonnement à internet. Or, le simple fait de ne pas vivre seul et/ou de recevoir des amis de temps en temps suffit donc ainsi à empêcher toute sanction .


En l'état actuel des choses il est impossible de déterminer la personne qui a matériellement a réalisé le téléchargement par le biais d'un abonnement internet sauf à obliger chaque membre d'une famille à avoir un accès différent et sécurisé à internet au-travers, par exemple, d'une reconnaissance rétinienne ou par empreinte digitale ce qui suppose, pour les fournisseurs d'accès, d'équiper chaque famille d'un équipement ne permettant l'accès à internet que sur la base d'une reconnaissance rétinienne ou par empreinte digitale avec attribution d'une adresse IP différente à chaque membre de la famille obligé individuellement de souscrire au dispositif sous peine de ne pas pouvoir accéder à internet.


Cependant, le fait d'obliger toute personne voulant avoir accès à internet à partir d'un abonnement unique à se déclarer constitue une atteinte au respect de la vie de privée de chacun puisqu'elle revient à obliger toute personne à déclarer aux fournisseurs d'accès avec qui elle vie et qui est susceptible d'utiliser son abonnement internet, ce qui n'est pas acceptable.




La décision n° 2009-580 du Conseil Constitutionnel en date du 10 juin 2009 constitue une avancée majeure dans le domaine des libertés publiques dans la mesure où elle fait de l'accès à internet un mode d'exercice privilégié de la liberté d'expression, de communication et de participation à la vie démocratique. En ce sens elle rejoint la décision n° 71-44 du 16 juillet 1971 relative à la liberté associative au panthéon des décisions fondamentales rendues par le Conseil Constitutionnel comme gardien des droits et libertés fondamentales des citoyens.


Source : www.infodroitservice.fr

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